Jean Gérard Lapacherie, Jean-Jacques Rousseau linguiste
Rousseau a au moins deux conceptions de la langue. Tantôt, la langue est un ensemble de signaux avec lesquels l’homme fait connaître ses besoins et ses sentiments: conception sémiologique. Tantôt, la langue est faite de catégories abstraites, de mécanismes intellectuels complexes, de pensée. La conception sémiologique ne lui permet pas de rendre compte de la grammaire ou du discours, par exemple, de sorte que sur plusieurs questions, il avoue son embarras. Pour un linguiste ou un sémiologue, la réflexion de Rousseau est pré-scientifique. Elle n’en a pas moins le mérite de soulever des problèmes relatifs aux signes, à la grammaire, aux rapports entre la pensée et le langage, à la très ancienne culture linguistique de l’Occident.

Jacques-Philippe Saint Gérand, Un roman pour les cuisinières d’Emile Cabanon: la recette de l’oubli… en 1834
Prendre intérêt aux textes aujourd’hui oubliés de la littérature ne relève pas d’une curiosité encyclopédique gratuite, mais du désir de comprendre l’archéologie de l’institution littéraire. L’étude du texte d’Emile Cabanon, Un Roman pour les Cuisinières(1834), donne ainsi l’occasion de considérer quelques aspects de l’esthétique romanesque à l’époque romantique. L’analyse présentée se développe selon les modèles de la stylistique et de la poétique; elle permet de mettre en valeur la contestation moderne des différents genres envisageables comme formes d’écriture littéraires (théâtre, poésie, récit, nouvelle), l’inversion des rapports préconçus de la vie et de la littérature, les curiosités d’une écriture déroutante (anglicismes lexicaux et syntaxiques, effets de saturation et de dévaluation sémantiques).

Anne-Marie Soucy, Baudelaire’s Prose Poem
Les réflexions de Baudelaire sur ce qu’il appelle, par une formule paradoxale, « la mémoire du présent », nous conduisent au cœur même du problème que la critique déconstructive a choisi de considérer comme fondamental pour l’interprétation du poème en prose baudelairien. Dans cette optique, la « révolution » pratiquée par Baudelaire dans ses Petits poèmes en prose (avec son usage ironique du langage révolutionnaire: Liberté, Egalité, Fraternité) touche non seulement au plan de la rhétorique mais aussi à celui de l’idéologie.

Lise Ouellet, Le Journal d’Henriette Dessaulles ou le roman du «je» spéculaire au «je» social
Le journal d’Henriette Dessaulles (1874-1880), jeune fille appartenant à la haute bourgeoisie canadienne-française, retrace les menus événements qui marquent son quotidien entre l’âge de quatorze et de vingt ans. Secrète et transitoire, l’écriture du journal intime chez H. Dessaulles apparaît comme le lieu de naissance d’une identité nouvelle. Le texte est présenté ici surtout comme récit d’un je diariste. L’analyse des modalités d’expression de soi souligne le fonctionnement de l’écriture, comme phénomène transitionnel et comme mise en forme du roman d’amour.