48Printemps / Primavera 2005
La littérature mauricienne de langue française
Sommaire / Indice
Kumari R. Issur, Présentation
Jean-Louis Joubert, La littérature mauricienne à vol d’oiseau
Robert Furlong, Préhistoire, émergence, évolution d’une littérature: le cas du XIXe siècle mauricien
Vinesh Y. Hookoomsing, Les romans de la plantation
Michel Beniamino, Roman et ethnicité: voix et voies de l’identité à Maurice
Gérard Fanchin, Les contes de l’Île Maurice: tradition et évolution
Martine Mathieu-Job, Les mythes de l’ île et de la mère dans l’œuvre romanesque de Loys Masson
Christophe Chabbert, Malcolm de Chazal, le sculpteur de mythes
Kumari R. Issur, Le roman mauricien aujourd’hui
Jean-Louis Joubert, La poésie mauricienne d’aujourd’hui
Jean-Louis Joubert, La littérature mauricienne à vol d’oiseau
Parmi les littératures «francophones», la littérature mauricienne est ancienne: ses premiers textes remontent au tout début du XIXe siècle. Elle s’est longtemps imprimée et diffusée sur place, ce qui explique qu’elle soit mal connue à l’extérieur. Privilégiant d’abord la poésie, elle est venue au roman dès les années 1920: romans de la canne à sucre, imbus de préjugés coloniaux, romans poétiques de Loys Masson, romans d’aujourd’hui donnant la première place à de multiples quêtes identitaires. La littérature mauricienne s’est aussi abondamment nourrie du fascinant mythe de la Lémurien, exalté par Malcolm de Chazal.
Robert Furlong, Préhistoire, émergence, évolution d’une littérature: le cas du XIXe siècle mauricien
Le présent article explorera les phases de pré-histoire et d’émergence de la production littéraire mauricienne. Il examinera pour cela les conditions et circonstances de son développement à compter de l’installation sur l’île de la première imprimerie en 1767 jusqu’à la publication par un Mauricien de la première anthologie mauricienne en 1897. Ce développement est inséparable de l’organisation progressive de la société et des activités liées à l’échange intellectuel et à l’usage de l’écrit. L’essor de la presse, la multiplication des cercles littéraires et philosophiques, l’augmentation du lectorat et son élargissement à la population métisse en évolution, les soubresauts de l’histoire et les conflits sociaux qu’elle générera: tous ces facteurs sont, par leur interaction constante et à des degrés divers, à la base même du projet littéraire global mauricien.
Vinesh Y. Hookoomsing, Les romans de la plantation
L’arrêt de l’engagisme dans les années 1920, qui annonce en même temps la fin du système de la plantation, constitue un moment d’incertitude, voire d’insécurité, qu’une production littéraire assez conséquente s’est efforcée d’exorciser à travers des textes inspirés des théories du roman colonial. Construits autour des notions de race et de supériorité, ces romans de la plantation sont vite dépassés par les mutations sociales liées à l’éclatement du monde qui leur servait de référence. Il en résultera un ensemble de textes étalés dans le temps qui permettent de suivre l’évolution des enjeux identitaires qui travaillent la société mauricienne.
Michel Beniamino, Roman et ethnicité: voix et voies de l’identité à Maurice
Dans le sillage des réflexions actuelles sur l’ethnographie, liées à la littérature depuis «l’intuition épistémologique» de Segalen, l’île Maurice constitue un «terrain» où s’expérimentent différentes solutions tendant à parvenir à un «vivre ensemble» construit sur/contre les évidences du poids historique de l’ethnicité. On peut déceler trois moments-clés dans l’évolution de la littérature mauricienne: l’ethnicité triomphante, bloquée puis ébranlée aujourd’hui. La fin de la domination coloniale et les modèles de fictions postcoloniales permettent aujourd’hui l’expression de mutations qui affectent les identités constituées et promettent, sinon décrivent, leur transformation. Le discours sur l’ethnicité subit donc de profondes transformations. Ce qu’apporte spécifiquement la littérature est cette expérience singulière qui permet de ne plus penser la totalité culturelle comme des strates isolées que l’écrivain ordonnerait d’un regard structurant et démiurgique mais marqué par l’extériorité. L’extériorité n’est plus possible, elle est remplacée par l’expérience intérieure d’un espace «partagé». Désormais, les barrières (sociales, ethniques) sont franchies mais contraignent à s’approprier la totalité de l’espace. Les nouvelles narrations mauriciennes sont autre chose qu’une juxtaposition de détails ethnico-pittoresques, elles sont une manière d’articuler la complexité de l’expérience humaine proprement mauricienne. Elles génèrent des liens, des rapports et des significations, imperceptibles jusqu’alors, à travers la manière esthétique dont elles fixent des significations, pensées dans les lieux spécifiques et dont elles formalisent esthétiquement l’expérience.
Gérard Fanchin, Les contes de l’Île Maurice: tradition et évolution
Parlant des contes traditionnels de l’île Maurice (ex-colonie française 1715-1810) qui présentent des ressemblances frappantes avec les contes et fabliaux français dont ils sont majoritairement issus, l’on ne peut pour autant minimiser l’apport africain, malgache et indien dans l’élaboration de l’ysopet mauricien. Prenant naissance dans le contexte de l’esclavage, de la colonisation et de l’engagisme, ces contes ont connu successivement les processus d’acclimatation, d’appropriation et de subversion. À bien lire ces contes on leur découvre subtilement distillée une visée esthétique et pragmatique insoupçonnée de leur temps. Car ces contes évoluent non seulement sur le plan discursif mais aussi sur celui de la réception et l’exploitation pédagogique qu’on pourrait en faire est devenue aujourd’hui une question vitale.
Martine Mathieu-Job, Les mythes de l’ île et de la mère dans l’œuvre romanesque de Loys Masson
Loys Masson, à côté des thèmes du voyage et de la mer, développe dans sa production romanesque la thématique de l’insularité, comme une tentative d’exorciser ses obsessions liées aux mythes de l’île et de la mère.
Christophe Chabbert, Malcolm de Chazal, le sculpteur de mythes
La littérature a eu souvent maille à partir avec les mégalomanes. Elle est pour eux un champ privilégié d’expression, une sorte de laboratoire dans lequel les idées s’accélèrent, se répondent, transmuent les pulsions les plus inattendues en écriture vivante.
Malcolm de Chazal est sans doute de ceux-là. Aussi, chez lui, à l’île Maurice, au sortir de la seconde guerre mondiale, est-il considéré comme un original que personne ne comprend. On le brocarde, on le moque, on stigmatise ses manies de fou littéraire aux déclarations iconoclastes. Alors, souffrant de ne pas être compris par les siens, c’est tout naturellement qu’il se tourne vers l’ailleurs afin que son message révolutionnaire soit enfin entendu. Son manuscrit arrive un beau jour à Paris chez quelques-unes des personnalités les plus en vue du monde des arts et des lettres de la capitale. André Breton, Jean Paulhan et quelques autres daignent lire l’ouvrage. L’on découvre avec stupéfaction l’existence d’un visionnaire et d’un poète hors du commun, à la parole puissante et dévastatrice…
Kumari R. Issur, Le roman mauricien aujourd’hui
Au cours des vingt-cinq dernières années, la force créatrice du roman mauricien a connu un dynamisme considérable: à côté de talents confirmés tels que Marie-Thérèse Humbert, Ananda Devi et Carl de Souza, de jeunes romanciers, faisant preuve d’une maîtrise éclatante de l’écriture, s’imposent dès leurs premiers titres. Une description audacieuse des faits sociaux, un traitement sans fard de la question identitaire, des projets esthétiques sans cesse renouvelés sont la marque de la production romanesque actuelle.
Jean-Louis Joubert, La poésie mauricienne d’aujourd’hui
Comme beaucoup d’îles, l’Île Maurice se glorifie d’être «l’île des poètes». De fait la production poétique y est particulièrement florissante. Après les œuvres d’Édouard Maunick et Jean Fanchette, qui ont dominé la seconde moitié du XXe siècle, de nouveaux poètes se sont affirmés: Khal, exaltant fièrement la «coolitude», Vinod Rughoonundun poursuivait une quête métaphysique de l’identité dans l’interrogation de l’être créole. L’interférence entre le créole et le français marque profondément la poésie mauricienne d’aujourd’hui.
Une écriture mauricienne
Ananda Devi, Salma
Cristina Schiavone, Ananda Devi
Alessandro Corio, Entretien avec Ananda Devi
Interviews et inédits/Interviste e inediti
Francesca Cantuti, Deux entretiens pour le cinquantenaire de la mort de Paul Claudel
Entretien avec Jean-Pierre Müller, metteur en scène et interprète de «Mort de Judas»
Entretien avec Geneviève Brunet et Odile Mallet, metteurs en scène et interprètes de «Conversations dans le Loir-et-Cher»
Comptes rendus/Recensioni
Stratégies narratives 2. Le roman contemporain, R. Galli Pellegrini (dir.) (Valentina Lupi)
Formes de l’écriture autobiographique dans l’œuvre de Julien Green, textes réunis par D. Fabiani; D. Fabiani, Erranza e scrittura. Julien Green e le forme narrative brevi (Patrizia Oppici)
Lirici europei del Cinquecento, a cura di G. M. Anselmi, K. Elam, G. Forni, D. Monda (Paolo Budini)
Dictionary of Literary Utopias, edited by V. Fortunati and R. Trousson (Maria Chiara Gnocchi)
Tra parola e immagini. Effigi, busti, ritratti nelle forme letterarie, a cura di L. Gentilli e P. Oppici (Franca Zanelli Quarantini)
Il testo letterario e il sapere scientifico, a cura di C. Imbroscio (Manuela Stacchini)
C. Biondi, La Francia a Parma nel secondo Settecento (Stefania Valeri)
F. Zanelli Quarantini, Il testo e l’immagine. Indagine sulle gravures d’accompagnamento a «Manon Lescaut», «La Nouvelle Héloïse», «Les Liaisons dangereuses» (Patrizia Oppici)
Notes de lecture/Schede
Pubblicato con contributi dell’Università di Bologna.